Chaque année, la première nuit de bivouac solitaire est toujours un peu étrange. Les animaux font de drôles de bruits, notamment les chevreuils et autres cervidés qui jappent (?) ou feulent (?) pour un oui pour un non. Le moindre battement de la toile de tente ultra-légère devient l'œuvre d'un rongeur affamé. Un songe m'a tenu dans ma tente jusqu'à ce que l'envie soit trop pressante : dix loups étaient assis en rond autour de mon abri (?) et attendaient que je sorte, tous crocs dehors.
Les fois suivantes, je mets des boules quies et je dors à poings fermés, mais la première fois non, c'est un rite de passage.
La journée commence bien, un bistrot est ouvert, et une bande de jeunes accompagnateurs, formateurs d'escalade,... y prennent le petit déjeuner. Ils m'offrent pain, fromage et jambon et j'ai toutes les peines du monde à payer mon café. Les gérants nous montrent la vidéo de la grêle qu'ils ont prise l'avant-veille... J'étais mieux à l'hôtel !
La montée vers l'Archeboc est régulière, souvent en sous-bois parmi les myrtilles. Les torrents sont gros et lèchent les planches jetées en travers. J'ai du mal à passer le dernier gué, que je n'aurais pas pu franchir dans l'autre sens.
La tête de la montagne ne me dit rien qui vaille. De nombreux névés maculent ce versant ouest, ce n'est pas bon signe pour le versant est au-delà du col à 2600 m.
Au refuge, j'interroge le propriétaire, guide de haute montagne, sur l'état de la via alpina. Il est formel, ça ne passe pas sans crampons et piolet. Tous leurs clients renoncent au premier col ! De toute façon, je ne pourrai pas aller bien au-delà du Grand-Saint-Bernard. Les suisses ont payé un lourd tribu au mauvais temps de la fin du mois de juin. De nombreux chemins d'altitude ont été emportés par endroit, notamment sur la via alpina. La prudence commande l'abandon.
J'entame la longue descente qui doit me ramener là où j'étais il y a deux jours. A 5 kilomètres de mon hôtel, je tente vainement de faire du stop. Une brave dame, prise de remord, fait demi-tour et m'emmène à destination. Elle a dû avoir pitié de ce pauvre vieux à la mine dépitée.
J'ai un an pour me "repiter", et cette fois, avant de partir, j'appellerai le refuge de l'Archeboc. C'est tellement plus facile quand on connaît du monde !
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